BLOG EN RECONSTRUCTION

- Croyez-vous que l'on puisse retrouver une femme, une femme qu'on aurait aimée dix ans plus tôt ?


Pensez-vous que l'on puisse retrouver une femme qu'on a aimée, d'un amour différent, unique, d'un amour qu'on croyait avoir oublié ?
- Est-ce qu'on quitte une femme qu'on aime, monsieur, je vous retourne la question. Le sacrifice, la punition, le renoncement, pardonnez-moi, c'est bon pour la littérature, "quand on aime il faut partir", "je t'aime donc je te quitte", "ni avec toi ni sans toi", laissez-moi rire... Quand on aime on s'accroche, on s'incruste, on s'agrippe, on se cramponne, monsieur, on rampe, parce qu'alors il n'y a pas de limites, il n'y a pas de choix.
- Et s'il s'agissait d'un amour sans repos, un amour... insupportable ?
- Par définition l'amour est insupportable, monsieur. L'amour est une plaie. Au sens propre. D'abord blanche, nette, elle ne tarde pas à saigner, parfois elle s'infecte, parfois elle se dessèche, elle démange, au-dessus d'elle se forme une croûte sombre qu'on s'efforce de ne pas arracher. L'amour finit toujours par se transformer en cicatrice, plus ou moins vaste, plus ou moins silencieuse. La question n'est pas de savoir si l'amour est supportable ou non. La question est de savoir si l'on se protège ou si l'on s'expose. Si l'on vit à l'abri ou à découvert. Si l'on est prêt à porter sur soi la trace de nos histoires, à même la peau.

Au cours de mon deuxième mois à l'école d'infirmières, notre professeur nous a fait faire une interrogation écrite surprise.

J'étais une élève consciencieuse et j'avais répondu à toutes les questions sans problème, jusqu'au moment d'arriver à la dernière question : "Quel est le prénom de la femme de ménage de l'école ?".
Ce devait être une blague. J'avais vu la femme de ménage plusieurs fois. Elle était grande, elle avait les cheveux foncés et devait avoir une cinquantaine d'années, mais comment aurais-je pu savoir comment elle s'appelait ? J'ai rendu mon devoir sans répondre à cette question. Avant la fin du cours, quelqu'un a demandé si cette dernière question allait compter dans la note.
"Absolument, répondit le professeur. Au cours de votre carrière, vous allez rencontrer beaucoup de monde. Chacune de ces personnes a de l'importance. Elles méritent toutes que vous leur accordiez votre attention et que vous vous intéressiez à elles, même si ce n'est que par un sourire ou un bonjour."
Je n'ai jamais oublié cette leçon. J'ai aussi appris qu'elle s'appelait Dorothy.

Tout de suite, j'ai écrit pour la vie, j'ai voulu soûler tout le monde.

J'aurais voulu pouvoir faire bouillonner la vie comme un torrent, la faire se ruer sur tous ces hommes secs et désespérés, les frapper avec des vagues de vie froide et vertes, leur faire monter le sang à fleur de peau, les assommer de fraîcheur, de santé et de joie, les déraciner de l'assise de leurs pieds à souliers et les emporter dans le torrent.