BLOG EN RECONSTRUCTION

We sit silently and watch the world around us.


This has taken us a lifetime to learn. It seems only the old are able to sit next to one another and not say anything and still feel content. The young, brash and impatient, must always break the silence. It is a waste, for silence is pure. Silence is holy. It draws people together because only those who are comfortable with each other can sit without speaking. This is the great paradox. 

Un jour de février 1970, je suis devenu, sans l'avoir prémédité, son amant.

C'est arrivé le plus naturellement du monde. Un soir d'une tristesse légère. Un soir où nous avons dîné ensemble, où je lui ai proposé de prendre un verre chez moi, où elle a ôté sa veste, où j'ai embrassé son épaule, voilà. J'ignore ce qui m'a pris mais, sur le moment, cela m'a paru la chose à faire. Elle n'a pas montré de résistance, acceptant que mes lèvres trouvent le chemin des siennes, que nos corps se pressent l'un contre l'autre, que nous basculions sur le canapé. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu une réserve, une hésitation. En revanche, il y a eu de la timidité, de la délicatesse et de la gravité. Nous nous sommes réveillés, le lendemain matin, enlacés entre mes draps. 
Est-ce que ça fait de nous des salauds ? Oui bien sûr.
Cette affirmation étonnera peut-être. Après tout, j'avais déjà couché avec des jeunes femmes sans y accorder beaucoup d'importance, et sans que cela porte à conséquence. Et puis, nous vivions dans une époque libérée, où tout était permis, où nous étions nous-mêmes très attachés à ne rien nous interdire. En conséquence de quoi, j'aurais pu estimer que ma nuit avec elle constituait une simple aventure, une aventure de plus, et qu'elle n'avait rien d'une transgression. Mais elle n'était pas n'importe quelle jeune femme. Et circonstance aggravante, elle était sa femme. 
Du coup, nous n'avons pas vraiment eu un dilemme à trancher. D'emblée, nous avons compris que nous ne pourrions pas considérer notre étreinte comme un accident, nous dépêcher de l'occulter et ne jamais nous en ouvrir à quiconque. Il n'a pas été difficile non plus d'admettre qu'elle était l'aboutissement d'un processus, et que nous étions réellement amoureux l'un de l'autre. 
A ce moment précis, pourtant, nous possédions la faculté théorique de faire marche arrière et de tout effacer. Il nous aurait suffi de vivre avec le souvenir de notre écart, de notre manquement, et nous étions vraisemblablement prêts à nous accommoder de notre mauvaise conscience. Il nous aurait fallu aussi vivre en réprimant notre sentiment, en nous efforçant, chaque jour, de l'empêcher de surgir. Oui, théoriquement, nous aurions pu choisir de nous en tenir là. Et ainsi nous n'aurions pas provoqué toute la souffrance qui a suivi. Tous les dégâts. L'irréparable. 
Mais c'était plus fort que nous. Car c'était là, en nous, évidemment, depuis longtemps, peut-être même depuis cet automne 61 où nous nous étions rencontré pour la première fois. Nous l'avions tu, censuré. Et ça jaillissait d'un coup, avec une violence extraordinaire, irrépressible. Même si nous l'avions voulu, je crois que nous n'aurions rien pu arrêter. Nous sommes restés amants. 
Ainsi, j'ai poignardé mon meilleur ami dans le dos, lui infligeant la pire bassesse qui se puisse imaginer. J'ai fracassé sans faiblir toutes les années partagées, donné à cette fameuse histoire de fraternité l'allure grotesque d'une imposture, sacrifié tout ce qui nous unissait, franchi une frontière qu'il est impossible de franchir dans l'autre sens. J'ai trahi. 

Quand il vivait avec Emma, il se demandait parfois, un peu négligemment, à quoi ressemblerait sa vie si elle n'était plus là.

C'était une question purement rhétorique, pas morbide pour un sou - le genre de questions que se posent tous les amants. Que serais-je sans toi ? se demandait-il, lui aussi. Il a la réponse, maintenant. Il lui suffit de se regarder dans la glace. Voilà ce qu'il est sans elle ! Le deuil ne l'a paré d'aucune grandeur. Il n'est ni digne ni tragique dans sa douleur, mais banal et stupide. En la perdant, il a perdu tout mérite. Il n'a plus ni qualités ni ambitions : il n'est qu'un misérable, dévoré par la cupidité et les regrets. 

Les grands moments de notre vie ne sont pas toujours immédiatement perceptibles.


Il peut arriver qu'on en mesure l'importance sur-le-champ. Mais il arrive aussi qu'ils surgissent du passé, bien des années plus tard. Il en va peut-être de même avec les gens. 

Ce fut pour moi une mémorable journée, car elle opéra en moi de grands changements.

Mais il en est de même pour n'importe quelle vie. Imaginez qu'on en fasse disparaître une seule journée choisie avec soin, et voyez comme le déroulement en eût été différent. Arrêtez-vous un instant, lecteur de cette page, et songez à la longue chaîne de fer ou d'or, d'épines ou de fleurs, qui ne vous aurait jamais enserré si le premier maillon ne s'en était trouvé forgé au cours de quelque mémorable journée. 

"Qu'est-ce que tu vas faire de ta vie ?"

Combien de fois avait-elle entendu cette question ? Des dizaines et des dizaines de fois, sans doute. Ses professeurs la lui posaient. Ses parents la lui posaient. Même ses amis s'y mettaient, à 3 heures du matin après une soirée au pub. Pourtant, jamais la question ne lui avait semblé aussi pressante. Et la réponse plus hors de portée. L'avenir se dressait devant elle comme un monstre intimidant et mystérieux. Une longue succession de journées vides et angoissantes. Comment parviendrait-elle à toutes les remplir ?
"Vis chaque jour comme si c'était le dernier", voilà ce que recommandait la sagesse populaire. Le conseil avait du bon, certes... mais qui a l'énergie de le suivre ? Comment s'y tenir les jours de pluie ou quand on a un rhume ? Ce n'était pas si simple. Mieux valait essayer d'être quelqu'un de bien. Quelqu'un de courageux, d'audacieux, capable de faire bouger les choses. Il s'agit pas de changer le monde, bien sûr, mais celui qui t'entoure... Faut que tu jettes dedans avec enthousiasme et ta machine à écrire électrique, et que tu bosses comme une dingue pour... changer la vie des gens, peut-être. C'est pour ça que tu veux écrire, non ? Voilà ce qui compte ! Changer la vie des gens. Chérir tes amis, rester fidèle à tes principes, vivre passionnément, totalement et sans trop de difficultés. Essayer plein de nouveaux trucs. Aimer et être aimée - si possible.